Vous avez déjà été victime ou témoin de harcèlement ? Vous n’êtes pas seul. Le harcèlement sexuel et les discriminations au travail sont également en hausse. Découvrez comment réagir dans notre article.
« Je ne me suis absolument pas rendu compte que je vivais un cas de harcèlement. Ce n’est pas venu du jour au lendemain. Cela a commencé avec des demandes ridicules de la part du directeur général qui m’obligeait à faire du travail d’un niveau vraiment inférieur à ma fonction de directeur. Et puis, il y avait des e-mails qui étaient toujours plus laconiques et flous, ce qui m’obligeait à demander plus d’explications, et à passer pour celui qui ne comprenait rien. Enfin, il y a eu une réelle stratégie de me tenir à l’écart de ma propre équipe, en changeant des heures de réunion sans me prévenir, ou en repassant sur des décisions que j’avais prises. Cela devenait vraiment invivable. J’ai finalement décidé de demander une réunion avec la DRH. Lorsque je suis arrivé dans son bureau la semaine suivante, le directeur général était là. Et j’ai reçu mon C4. C’était il y a 5 ans, et je pense qu’il m’a fallu plus d’un an et demi pour m’en remettre », explique Laurens, ancien cadre supérieur reconverti dans l’enseignement, qui a accepté de témoigner pour nous.
Le harcèlement est très présent dans le monde professionnel, et fait régulièrement la une de l’actualité. Que ce soit dans la culture, le sport, les médias ou même dans des institutions publiques, depuis une dizaine d’années, les paroles se libèrent. Et c’est une bonne chose.
« Le harcèlement fait référence à un comportement abusif, répété, dirigé à l’encontre d’un salarié ou d’un groupe de salariés et comportant des risques pour la santé et la sécurité. » Voilà la définition officielle de l’Agence européenne pour la Sécurité et la Santé au travail.
Le harcèlement peut prendre diverses formes. Il est généralement catégorisé en harcèlement moral (ou mobbing), harcèlement physique, harcèlement sexuel, cyberharcèlement et discriminations.
On ne prend pas toujours la mesure de ce qu’est un harcèlement. Une petite blague répétée va parfois être considérée par celui qui la fait pour un acte anodin, alors que la personne qui en est victime va se sentir profondément mal à l’aise. « Allez, c’était juste pour rire. »
Voici quelques situations qui peuvent être problématiques.
Dans ce cas précis, une personne (ou un groupe de personnes) profite de son autorité pour exiger des choses sortant du rôle ou du cadre professionnel ou pour en imposer certaines.
Deux collaborateurs ne s’entendent pas, et une relation agressive ou de moquerie voit le jour. S’ensuit une dispute répétée.
Le système de travail est expressément mis en place pour qu’un collaborateur ne puisse plus s’épanouir. Il se voit confier des tâches ingrates ou un bureau éloigné de celui des autres ou un travail qui n’a rien à voir avec sa fonction… C’est notre exemple avec Laurens.
Soumettre un collaborateur à un stress inutile peut être considéré pour du harcèlement. Par exemple : envoi d’e-mails à toute heure du jour et de la nuit, rappel de consignes ou d’échéances alors que la date n’est pas encore passée, avoir des exigences irréalistes, micro-management déplacé…
Si un même collaborateur est toujours la cible de remarques, même si l’intention n’est pas (ou ne semble pas) malveillante, c’est du harcèlement. Idem pour les remarques liées au physique. Même une blague ou un compliment répété du style « ça te met en valeur » peut être malaisant pour celui qui le reçoit.
Souvent sous-estimée, la diffamation, à savoir le fait de répandre de fausses informations sur quelqu’un, peut être considérée comme du harcèlement si l’acte est volontaire et répété. La raison est toute simple : les diffamations peuvent compromettre une réputation professionnelle et la crédibilité auprès des autres collègues et des supérieurs.
Les dix dernières années ont libéré la parole. Et c’est une bonne chose. Mais ça a aussi fortement perturbé les ressources humaines.
Alors, que faire avec un travailleur ou une travailleuse qui en accuse un(e) autre de harcèlement ?
C’est la première chose à faire. Ce conseil semble simple, et pourtant, les personnes victimes de harcèlement expliquent qu’à de nombreuses reprises l’employeur (via son conseiller en prévention ou la personne de confiance) n’a pas écouté. Pire, il a parfois minimisé les faits ou le mal-être. Un réflexe qui s’explique par la volonté de « ne pas faire de vague ».
La deuxième étape est de vérifier et de recouper les informations afin d’établir ou d’infirmer le harcèlement. Le travailleur doit être entendu le plus rapidement possible et il doit recevoir une première information sur les différentes voies d’action qui s’offrent à lui dans la procédure interne en vue de l’évaluation des mesures de prévention. Dans cette optique, une voie informelle peut être envisagée et une conciliation mise en place avec la/les personne(s) incriminée(s).
Si cette conciliation n’aboutit pas, le collaborateur peut alors déposer une plainte motivée auprès de la personne de confiance ou du conseiller en prévention. Ce document demande à l’employeur de prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre fin aux faits. Il doit également décrire les faits constitutifs avec les précisions concernant le cas de harcèlement supposé (endroit, date, identité de la personne mise en cause…).
Le conseiller en prévention doit examiner la plainte dans un délai de trois mois. Pour cela, il va entendre les différentes parties, établir s’il y a harcèlement ou non, puis faire des propositions de mesures à l’employeur dans un rapport. Attention toutefois à appliquer la présomption d’innocence après réception d’une plainte et avant conclusion de l’examen, car il arrive aussi – il faut le dire – que certaines plaintes ne soient pas justifiées.
En fonction des recommandations du conseiller en prévention, l’employeur doit prendre ou non certaines mesures. Celles-ci peuvent aller jusqu’au licenciement des personnes concernées.
Combattre le phénomène de harcèlement est essentiel. Les conséquences peuvent en effet être tragiques pour ceux qui le subissent : perte de confiance, anxiété, stress… qui peuvent parfois conduire à l’autodestruction et au suicide.
Evoquons aussi les conséquences physiques, comme les maux de ventre, de tête, le dérèglement alimentaire et la perte de sommeil.
Enfin, nommons aussi les conséquences professionnelles pour toutes les parties. Une personne qui subit du harcèlement sera moins performante, ce qui aura un impact direct sur la rentabilité de l’entreprise. Dans certains cas, elle pourra prolonger des absences ou quitter son travail. Ce type de situation est également globalement mauvais pour l’ambiance globale, ce qui affectera durablement l’entreprise.
Dans notre pays, les employeurs ont l’obligation de mettre en place des dispositifs destinés à empêcher l’apparition de situations de harcèlement.
Voici quelques pistes de dispositifs :
Et elle rappellera un principe de base : tous les collaborateurs ont le droit de venir travailler dans un environnement où ils se sentent en sécurité et protégés.
Lorsque des travailleurs dénoncent des faits de harcèlement, ils entrent dans une période de protection. Cette protection dure de 3 mois à 12 mois, selon les cas.
On notera que cette protection ne s’applique qu’aux travailleurs qui entreprennent des démarches pour des faits de violence ou de harcèlement moral au travail non liés à un critère de discrimination, et non liés à un harcèlement sexuel.
La protection commence dès que l’employeur prend connaissance de la plainte, du dépôt de témoignage ou de la demande d’intervention psychosociale pour faits de violence ou de harcèlement.
Si l’employeur souhaite licencier le travailleur qui a déposé une plainte pendant cette période, il doit alors prouver que la décision n’est pas liée à la demande d’intervention psychosociale.
583 millions de personnes à travers le monde, ont déjà été victimes de harcèlement d’ordre psychologique au travail, autrement dit de harcèlement moral.
Source : Organisation internationale du Travail (OIT), la Lloyd’s Register Foundation (LRF) et Gallup.