Non, la question de la place des femmes en entreprise ne se résume pas au plafond de verre et aux inégalités salariales. Leur/notre parcours professionnel comporte bien d’autres écueils, comme la falaise de verre ou le tokenism. Ces concepts vous sont inconnus ? Nous les détaillons dans cet article. Il ne sera pas du tout question d’opposer la femme à l’homme, mais nous voulons faire éclore la conviction (démontrée) que les entreprises qui intègrent pleinement la mixité performent davantage.
Aujourd’hui, pas toujours facile d’être un homme dans certaines entreprises. Peut-être cela vous surprend-il qu’on commence cet article consacré à l’égalité par le point de vue des hommes. Mais certains ont l’impression que, désormais, les femmes ou personnes issues de minorités sont systématiquement privilégiées. Qu’une sorte de mode existe aujourd’hui allant en ce sens et que finalement, les hommes finissent par être rejetés à force de vouloir discriminer positivement les femmes.
Fact check : faux. Les places de direction occupées par des femmes dans les entreprises sont encore largement insuffisantes. Un chiffre ? Il n’y a que 5% de femmes CEO dans le monde.
Par contre, les mentalités évoluent, le monde est en train de changer. Et c’est tant mieux.
L’idée des quotas ne fait pas toujours l’unanimité. Sébastien, manager dans une société digitale : « L’histoire des quotas me laisse perplexe. Je comprends la logique, évidemment. Mais sur le terrain, cela pose un certain nombre de questions. Dans notre agence, pour tout ce qui est coding, nous n’employons quasi que des hommes. Pas par choix, mais parce qu’ils sont les seuls à postuler. Nous avons pourtant fait beaucoup de publicité pour recruter des femmes. Je crois davantage au concept de méritocratie qu’aux quotas. Ça peut aussi poser une autre question, celle de la culpabilité. Dois-je me sentir coupable d’occuper une fonction de manager dans cette société, alors qu’il n’y a quasi aucune femme ? »
Pour Florence Blaimont, CEO de Wowo Community (organisme qui accompagne les femmes entrepreneures au travers de rencontres et formations), la place des femmes en entreprise doit se penser différemment : « Je crois peu à l’imposition de règles ou de quotas pour ce genre de problématique. Pour moi, c’est, d’une part, dans les droits qu’on accorde qu’on a le plus de chance de rééquilibrer la charge mentale (qui est l’élément numéro 1 qui freine les femmes dans leur carrière). Il faudrait que les pères et les mères aient des congés égaux à la naissance du bébé. Cela abattra bien des obstacles. D’autre part, je crois aussi qu’il ne faut pas proposer aux femmes de prendre leur place, mais qu’elles doivent la prendre ! Les entourer pour leur dire de dépasser leur peur d’essayer et d’y aller est essentiel. A mes yeux, cela a plus de sens d’éduquer que d’imposer et cela aura plus d’impact sur le long terme. »
L’occasion de repenser à cette citation de Ayn Rand, la philosophe américaine : « La question n’est pas « Qui va me donner l’autorisation de faire ça », mais plutôt « Qui pourra m’arrêter ? » ».
Savez-vous ce qu’est le « tokenism » ? Expliquons-le par un exemple très parlant de situations que vivent certaines femmes et pas les hommes. En 2018, suite à la démission du CEO d’Uber dans un contexte de révélation de scandales sexuels et de harcèlements sexuels dans l’entreprise, différentes femmes ont été approchées. Aucune n’a accepté le job parce qu’elles ont toutes compris qu’elles serviraient de cache-misère à une situation compliquée en termes d’image pour l’entreprise.
Le tokenism (qui vient de l’Anglais « token ») caractérise donc « l’action de prendre une personne représentant la diversité et de la placer au sein d’un conseil d’administration (C.A.), à la réception d’une organisation ou à un poste dans la haute direction pour bien paraître ». Une sorte de solution de façade.
En clair : nommer une femme à la tête d’une entreprise accusée d’avoir ignoré des faits de harcèlement sexuel n’était qu’une excuse pour faire croire qu’on lutte efficacement contre le phénomène. Même s’il n’en est rien.
Ce phénomène de tokenism n’est pas le seul écueil à éviter. Vous connaissez certainement « le plafond de verre », cette métaphore qui exprime que les femmes peuvent progresser dans la hiérarchie de l’entreprise, mais seulement jusqu’à un certain niveau.
Par contre, vous ne connaissez peut-être pas encore « la falaise de verre ».
Ce concept assez récent désigne la volonté délibérée de nommer des femmes à des postes de pouvoir quand une organisation ou une société semble être dans l’impasse, au bord de la falaise.
Voilà trois exemples très visibles en politique, mais ce phénomène existe à toutes les échelles.
La falaise de verre est un processus qui a été étudié et expliqué. Notamment en 2021 par Clara Kulich, professeure à l’Université de Zurich. Sa conclusion est que les qualités associées au leadership sont de deux ordres. Il y a des qualités dites « communales » (l’écoute, la sensibilité et l’empathie), et des qualités dites « agentiques » (la détermination, l’estime de soi et le charisme). Clara Kulich démontre que les gens ont tendance à se tourner vers des qualités « communales » en cas de crise. Alors plutôt une femme ? Gare au stéréotype de genre ! De plus, en mettant des femmes au pouvoir alors que l’échec est quasi assuré, on renforce l’idée que les femmes sont moins bonnes que les hommes et qu’elles ne sont pas faites pour le leadership.
Toutes les études sur le sujet le démontrent. Une plus grande mixité en entreprise, et aux postes à responsabilités, permet d’engendrer une plus forte croissance, d’être plus rentable et de prendre des décisions plus judicieuses. Les banques Morgan Stanley et Goldman Sachs, ainsi que la Harvard Business School viennent de publier trois études. Et le résultat est sans appel : la mixité des équipes améliore la performance financière. Que ce soit en gestion de capital risque ou en investissement bancaire. Mieux : la valeur boursière des entreprises mixtes est meilleure que celles ne favorisant pas la mixité.
Pour reprendre les mots d’António Guterres, Secrétaire général des Nations unies : « Combler le fossé entre les femmes et les hommes n’est pas seulement une question de justice pour les femmes et les filles. Cela change la donne pour l’humanité tout entière. Les sociétés plus égalitaires sont aussi plus stables et plus pacifiques. Elles ont de meilleurs systèmes de santé et des économies plus dynamiques. »
Chaque année, le 8 mars, journée des droits des femmes (et non journée de la femme), certaines entreprises organisent des événements. Distribution de fleurs, horaire allégé pour les femmes, ateliers de cuisine (oui, oui) ou encore conférences. Pour ou contre ?
Si l’intention est louable, ce genre d’événements passent à côté de l’essentiel. Ils rappellent d’ailleurs un peu ce qui se passe avec l’écoblanchiment, à savoir quand une organisation consacre plus de temps et d’argent à se vendre comme étant respectueuse de l’environnement plutôt qu’à minimiser réellement son impact sur l’environnement.
Il ne faut pas se donner l’excuse du 8 mars pour mettre en place une réelle stratégie qui tienne compte des réalités des femmes.
Devons-nous aspirer à du 50/50 dans tous les types de métiers ? Par exemple, les métiers de la construction sont extrêmement genrés (2% de femmes). Tout comme les métiers de soins aux personnes ou d’habillement (90% de femmes). Est-ce une question de stéréotypes ?
Certains métiers plus « techniques » sont également genrés. Les métiers de nettoyage sont très majoritairement féminins alors que les métiers liés au transport sont majoritairement masculins (conducteurs de train/métros/bus, pilotes d’avion, vendeurs de voitures, chauffeurs…).
Si on peut bien sûr parler d’inclination naturelle, une part de stéréotypes.
Comment casser ces stéréotypes de genre ? Patrick Scharnitzky, docteur en psychologie et spécialiste du sujet des stéréotypes, avance trois points.